Un ange pour Satan (VO : Un angelo per Satana), un film de Camilio Mastrocinque (Italien, 1966)
By DustyMummy
Camilio Mastrocinque est un réalisateur bien connu en Italie (et ailleurs, puisqu’il présentera un film à Cannes en 1947, aux côtés de grands noms tels qu’Elia Kazan, Vincente Minelli ou encore Ingmard Bergman). C’est au début des années 60 qu’il tourne deux films particulièrement appréciés des amateurs de fantastique : La crypte du vampire (1963) et le film qui va nous intéresser aujourd’hui : Un ange pour Satan (1966). J’ai choisi ce long métrage, car je le trouve bien meilleur que son précédent, mais promis, je vous parle du vampire une prochaine fois !
Inspiré par une certaine « nouvelle vague italienne » portée, entre autres, par Mario Bava et son magnifique Masque du démon, Mastrocinque tourne La Crypte du vampire avec notamment Christopher Lee, échappé un instant des studios de la Hammer (et qui joue d’ailleurs « un gentil » pour une foi !). C’est trois ans plus tard, en 1966, que Mastrocinque signe son second métrage fantastique avec cette fois, justement, l'égérie de Mario Bava: la grande, la magnifique, la somptueuse Barbara Steele ! Inoubliable dans Le Masque du Démon (encore lui !)… Le réalisateur italien va ici utiliser la plastique de l’actrice pour nous plonger dans un univers profondément sombre, où folie et réel se mélangent, un univers obscur, teinté d’érotisme étrange, sublimé par une photographie et une direction artistique hors norme.
Le scénario d’Un Ange pour Satan tient à peu de choses. Harriet, (jouée, donc, par la superbe Barbara Steele pour ceux qui n’auraient pas compris !), après des années passées dans un pensionnat pour jeunes filles, retourne dans son somptueux château insulaire, au coeur d'un nulle part inquiétant. Mais voilà, à l’arrivée de la belle jeune femme, une malédiction concernant une suicidée et une statue repêchée au fond d’un lac refait étrangement surface… Son oncle, qui gérait la propriété pendant son absence, aurait demandé à un sculpteur de rénover la dite statue. Cette dernière ressemble trait pour trait à Harriet dont le comportement change peu à peu, évolue, flirte avec la folie. Le scénario de Giusseppe Mangione ne tient donc qu’à de simples choses. Il ressemble tantôt au roman noir « à la Radcliff », tantôt à l’œuvre de Prosper Mérimée et à sa fameuse Vénus. On ne peut pas non plus s’empêcher de penser parfois aux textes d’Hoffman et d’autres fois même, il se teinte d’un reflet « façon Marquis de Sade ». Messieurs qui lisaient ce blog, rien que pour la belle Barbara Steele, foncez…
Ce scénario, qui est surtout là pour donner le ton, offrir au réalisateur un ciment et aux acteurs une matière à travailler, va alors être sublimé par une photographie absolument fabuleuse, un noir et blanc magnifique, une mise en scène fourmillante de détails. Bien sûr, encore une fois, la grande Barbara Steele tient là une de ses plus belles prestations ! Le registre de la folie, de la possession, l’érotisme soft mais malgré tout malsain qui se dégage de cette actrice, reste presque sans équivalent ! Le tout une fois de plus transcendé par un éclairage et un maquillage à couper le souffle !
On devrait détailler ici toutes les scènes, les entrées et sorties de cette comédienne, analyser ses jeux de regards, des regards qu’elle se jette parfois à elle-même ou à son double, le jeu avec les miroirs, tantôt tendre, tantôt brutal. (Si dans une séquence elle caresse dans l’autre elle fouette). D’abord femme enfant, peu sûre d’elle, au fil du film et sans que l’on sache si l’on parle de possession ou de folie (je vous laisse découvrir la fin par vous-même) son comportement change et elle devient femme manipulatrice, femme forte, dominante et dominatrice. Jouant de tous les fétichismes, comme c’est souvent le cas dans le roman noir ou fantastique, le réalisateur filme une Barbara Steele dans une scène qui est pour moi mythique : celle où elle demande à un présumé tueur de lui lécher les pieds sans la regarder. Le pauvre bougre finira fouetté par la dominatrice, intouchable et manipulatrice, mais ô combien belle ! Une scène forte et terrible teintée de SM…
Derrière les propos peut-être un brin machistes, se cache en fait un film très subtil à propos de la femme et de sa place dans la société. Reste quand même que la féminité est ici essentiellement présentée comme tentatrice et malgré tout manipulatrice. Nous sommes sur une île, dans une communauté très fermée, très masculine (encore une fois le roman gothique adore les lieux fermés, cachés, etc…etc…il y aurait des chapitres à écrire sur le sujet !) où la femme est un ange, mais un ange de Satan. Elle conduit à la ruine, elle utilise les hommes, elle cravache, frappe, brule, tue aussi peut-être. On est proches du mythe de la sorcière (La sorcière de Michelet par exemple) ou même du mythe du vampire. Elle est le désir inavoué, le côté obscur de nos pulsions et elle est en même temps une certaine liberté, une certaine force (du mal ?).
Toute la tension est d’ailleurs là, subtilement amenée. Le film commence comme une petite amourette, très romantique, entre le sculpteur (presque féminin et pourtant, quelques années plus tard on le retrouve dans les terribles Django !!) et son modèle. Puis, peu à peu, évidemment, tout se dégrade. Folie ou possession ? Et puis, il y a aussi cette vague de meurtres, l’oncle étrange, l’idiot du village qui semble avoir des envies bizarres…Bref, l’ambiance est au rendez-vous dans un film où se déchainent les passions et les pulsions, véritable petit bijou du genre où le suspense est au rendez-vous et dont la fin est somme toute surprenante.
Mais là où le film atteint son paroxysme de beauté c’est assurément dans les images et leur noir et blanc absolument fabuleux, d’une maitrise folle. Le générique de début du film (que j’ai dû voir une dizaine de fois) est d’une évocation poétique géniale, un véritable tableau vivant ! Il nous montre une barque avançant calmement, lentement, sur une eau pâle, avec à son bord des hommes habillés de noir. Tout de suite, et avec en plus le soutient magnifique de la partition du génialissime Fransesco De Massi, mélancolique, triste et sombre, le ton est donné. On retrouvera tout le long ces contrastes, cette poésie qui émane tant de la photographie magnifique que de la musique splendide.
Camilio Mastrocinque livrait en 1966, avec cet Ange pour Satan, un film absolument somptueux, gothique, noir, sombre, qui doit beaucoup à Mario Bava ou à la Hammer et qui nous raconte et nous révèle beaucoup de choses. Un long métrage intelligent et beau, dans la droite ligne d’un "fantastique traditionnel", très dix-neuvième et bien sûr, le tout reposant sur le jeu de la magnifique Barbara Steele. Il y aurait sans doute des milliards de choses à dire sur ce long métrage et j’en reparlerai sans doute un jour, mais je vous laisse en compagnie de cette sombre affaire de statue et avec certainement l’une des plus belles créatures du cinéma des années 60’s. Eteignez la lumière et n’hésitez pas à trembler en noir et blanc…
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