Caltiki, le monstre immortel, un film de Mario Bava et Ricardo Freda, Italien, 1959
1959. Italie. La maison de production Galatea, dont aujourd’hui il ne subsiste apparemment plus rien, mais qui en son temps avait produit quelques péplums et un film français de Marcel Carne (L’air de Paris avec Jean Gabin), se voit proposer un projet par un grand réalisateur du cinéma populaire italien, Riccardo Freda. Cette idée, peut-être un peu bancale, peut-être mal achevée, a pour but de mélanger l’horreur la plus pure à la Science Fiction. Rassurez-vous, de science-fiction, il n’en sera au final que très peu question. Mais la Galatea voit en ce projet un moyen de concurrencer ce qui se fait de mieux en la matière à l’époque : la Hammer et leurs films de monstre (on pensera ici au fameux Quatermass) ou encore, bien sûr, les puissants studios américains qui sortent, l’année précédent Caltiki , le génialissime, le cultissime The Blob connu en France sous le nom de Danger planétaire. On est en pleine guerre froide et le mal se cache partout… C’est l’âge d’or de la Science Fiction, de la littérature spéculative, de la bombe atomique et de la conquête de l’espace, ce grand mystère qui se trouve au dessus de nos têtes et qui est, bien sûr, peuplé de créatures étranges et de vilains hommes verts ! Mais revenons-en à nos monstres italiens.
Freda est donc un grand nom du cinéma italien, et plus particulièrement du cinéma populaire. À cette période, pour diverses raisons, les studios italiens sont puissants et il suffit d’évoquer la fabuleuse Cinecitta pour planter le décor. Des hectares entiers dédiés au tournage, des techniciens 24h sur 24h prêts à régler une lumière, un travelling etc…Bref, j’exagère sans doute un peu, mais tout cela pour vous dire que le cinéma italien est bien présent à cette époque, fort et riche. Il peut donc se permettre de grosses productions telles que les péplums ou par la suite le western « spaghetti » ! À noter d’ailleurs que ces studios existent toujours et qu’ils accueillent encore des tournages.
Freda donc, avant de tourner Caltiki s’est déjà fait un nom reconnu dans la production italienne avec entre autres un Spartacus qui inspirera celui de Kubrick, et un film de vampire dont on reparlera sans doute par la suite… On lui accordera plusieurs autres métrages que je n’ai malheureusement pas eu la chance de visionner et que je passerai donc sous silence. (De plus, ils n’appartiennent pas aux genres qui nous intéressent ici).
Le réalisateur et la Galatea engagent alors un scénariste du nom de Fillipo Sanjust. Ce dernier va prendre tout ce qui se fait de mieux dans le genre, copie, colle, mélange plus ou moins bien pour offrir un script à mon avis absolument nullissime, digne du pire bis qui soit… et c’est ce qui fera aussi le charme de cette petite bande sans prétention. La Galatea lit bien sûr ce script qui s’ouvre sur une scène absolument gigantesque, titanesque à financer puisqu’elle ne demande pas moins que la reconstitution d’un temple maya (avec la jungle qui va autour !) une caverne mystérieuse, un monstre et des effets spéciaux à vous couper le souffle (pour ces derniers c’est ironique bien sûr). Alors elle s’adjoint l’aide d’une coproduction américaine qui fera disparaître les noms italiens au profit de noms plus américains et livre, ni plus ni moins, qu’un mélange entre le film de monstre classique et le blob !
Le film, disais-je, s’ouvre sur des scènes absolument magnifiques, où un environnement amazonien nous plonge dans une sorte de roman d’aventures lovecraftien. En effet, on suit un groupe de chercheurs qui ont planté ici leurs tentes avec leurs femmes et toutes les équipes scientifiques, pour observer de vieux temples mayas. Mais, chers amis, savez-vous ce qui se cache dans les profondeurs des cavernes, au fond des anciens temples ? Non ? Et bien eux non plus ne le savaient pas, et ils vont en faire les frais puisque l’un des membres de cette terrible expédition ramène en lui une « chose » qui va faire bien des dégâts... Le synopsis ne tient qu'à ça, à ces quelques lignes, rien de plus… S’il n’y avait pas une image et une photographie absolument magnifiques au début et à la fin du film, entre les deux, c’est un peu plus banal, et bien on n’aurait peut-être pas grand-chose à se mettre sous la dent…
La photographie justement, parlons-en. Les studios embauchent un chef opérateur talentueux, qu’ils connaissent d’ailleurs déjà très bien : Mario Bava ! Il va même aller plus loin, puisqu’il finira le tournage. Pourquoi Riccardo Freda abandonne le projet, je ne le sais pas. Idée trop inintéressante ? Difficultés avec les acteurs ? Peu importe. D’un script banal, basique, pour ne pas dire sans intérêt, Bava fait de ce monstre immortel un petit bijou en imposant son image, sa photographie et sans doute son découpage (comme d’ailleurs il le fait précédemment avec le très bon Les vampires, lui aussi commencé par Freda et abandonné par ce dernier). Tout le final se passe dans la maison d’un des professeurs. C’est la nuit, sa femme est en danger, et la lumière de Bava donne à la scène (avec un montage d’une habileté remarquable, mais je ne peux pas vous en dire plus) cette inquiétante étrangeté qui marquera toute son œuvre et un suspense digne des plus grands films d’action !
On est donc face à un film moyen, réalisé par deux réalisateurs talentueux, qui font un métrage de monstre un brin banal alors que, à la même époque, sortent des films bien plus intéressants, tels que ceux cités en introduction : les Quatermass et The Blob. À ma connaissance, il n’existe qu’une seule version DVD française de ce film, éditée par Seven, et elle n’est pas indispensable puisque les bonus sont quasi inexistants et l’image n’est pas forcément restaurée.
Reste que pour moi, c’est toujours un plaisir de voir un Mario Bava, c’est toujours un régal de regarder de belles images, même s’il ne s’agit pas du plus grand et du plus beau film de monstre qui soit.
Maintenant, je vous laisse trembler avec ce monstre immortel venu du fond des âges et surtout, n’oubliez pas si vous partez en vacances en Amérique du Sud : évitez les grottes, on ne sait pas ce qui s’y cache et d’ailleurs, savez-vous qui est derrière votre porte…
Bon film et bonne peur dans le rétro !
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