Les enquêtes extraordinaires de Newbury et Hobbes, tome 1 : Les Revenants de Whitechapel, de George Mann, aux Éditions Éclipse-Panini Books, novembre 2013 (1ère édition française en 2011 chez Éclipse)
8/10
Bienvenue dans un Londres étrange et merveilleux, une métropole en plein bouleversement. Ses habitants, quotidiennement éblouis par un déluge d’inventions, inaugurent une ère technologique nouvelle. Les aéronefs traversent le ciel de la ville tandis que des trains de surface parcourent ses rues et que des automates mettent leurs engrenages au service d’avocats ou de policiers. Mais le vernis brillant du progrès dissimule une face sombre, car cet univers voit aussi des policiers fantômes hanter les ruelles de Whitechapel. Sir Maurice Newbury, Investigateur de la Couronne, oeuvre donc sans répit à protéger l’Empire de ses ennemis. Le jour où un dirigeable s’écrase dans des circonstances suspectes, sir Newbury et miss Veronica Hobbes, sa jeune assistante, sont appelés à enquêter tandis qu’une série d’effroyables meurtres met en échec les efforts de Scotland Yard, et qu’un épouvantable fléau ravage les quartiers pauvres. Ainsi débute, en une aventure qui ne ressemble à aucune autre, le premier volume des Enquêtes Extraordinaires de Newbury & Hobbes. (4e de couverture)
Avec ce premier tome des Enquêtes extraordinaires de Newbury et Hobbes (rappelons que quatre volumes sont déjà sortis outre-Manche…) George Mann nous offre un texte classique et efficace, léger et particulièrement prenant. Avec simplicité, l’auteur nous emmène dans un véritable maelström de questions, de suspense, et de quelques beaux combats sanguinolents contre l’horreur sortie de la brume.
L’intrigue se construit au fil des pages, mais elle accoste le lecteur dès les premiers chapitres. Je n’ai pas eu le temps de me demander ce qui allait arriver, on le découvre tout de suite et là, s’en est fini de nous, on est englué au livre ! Avec une simplicité remarquable, l’auteur nous tient en haleine, frissonnants dans le brouillard londonien…
L’aventure se déroule donc dans un Londres victorien particulièrement bien mis en avant au fil des pages : le brouillard, la pluie, le vent y sont omniprésents. Ainsi, l’auteur place le décor classique d’un monde à vapeur. Nous déambulons du British Museum aux bas-fonds de Whitechapel, en passant par Chelsea et Buckingham Palace (dans lequel d’ailleurs nous découvrons une Victoria…remarquable…je vous laisse découvrir). Whitechapel fait honneur à sa réputation, boyaux humides et obscurs, à peine éclairés par quelques lumières vacillantes qui n’entament en rien l’épais brouillard, refuge des plus immondes créatures. Et oui, dans ce Whitechapel-là, une bien étrange peste ronge l’encéphale des habitants, les réduisant à d’immondes hères, fourrageant la nuit humide à la recherche d’une nourriture qui pourrait être vous… Mais s’il n’y avait que ça, ce serait presque une promenade de santé ! Non, un être étrange, phosphorescent, apparait régulièrement, et à chaque fois, un cadavre signe son passage. Ainsi, c’est un double mystère qui hante les rues de Whitechapel, déjà tristement célèbres.
Les personnages sont intéressants tout en restant classiques.
Pour ma part, j’ai retrouvé en Newbury de nombreux aspects d’un autre célèbre enquêteur londonien…son esprit de déduction, sa dépendance aux paradis artificiels, son intrépidité et sa ruse…bref, vous m’avez comprise. Ceci étant, ce n’est pas pour me déplaire, il sied très bien à l’ambiance et j’adore ce genre de gentleman, adepte du thé et du Brandy !
Sa jeune assistante, quant à elle, est loin d’être le simple personnage secondaire qu’elle promettait d’être. Elle prend une place croissante tout au long de l’intrigue, jusqu’à la surprise finale… Féministe d’une époque qui ne l’est pas, elle apporte une fraîcheur distinguée et intrépide au récit. Comme quoi, les jupons n’empêchent pas d’occuper une place de choix !
Enfin, le troisième personnage principal, que l’on croise moins souvent, mais dont le rôle est indéniablement essentiel à l’équilibre de ce trio : Charles Bainbridge. Inspecteur à Scotland Yard, Bainbridge semble moins agile, et plus enclin à chercher un bon restaurant qu’à pratiquer une autopsie… Cependant, il est celui qui rappelle la marche à suivre et qui relance les questions qui nous démangent. Et puis, il n’y a qu’à inspecter sa canne pour comprendre qu’il n’est pas que l’aimable agent de la couronne bercé par les procédures. Pour reprendre les mots de l’auteur, « C’est la méthodologie qui s’impose au principe d’action ».
Un autre personnage apparaît dans le récit, il n’est que furtif et j’aurais aussi bien pu choisir de vous parler des suspects plutôt que de lui, mais il est vraiment intéressant : le Réparateur. Ce « médecin » nous éclaire sur le côté mystérieux des agents de la couronne. Fin connaisseur des plantes aussi bien que des secrets de la mécanique, son apparition en dit long sur le Londres qui nous intéresse…
Vous trouverez aussi un savant fou, un riche héritier tout sauf sympathique, une secrétaire touchante, une voyante enfermée dans un lugubre asile, un frère disparu…
Revenons un peu sur l’intrigue et la manière dont elle est menée. Comme je l'ai dit, l’auteur investit Londres dans un style simple et efficace. Dans un premier temps, son texte nous porte à croire que nous aurons à faire à un « phénomène zombies » dans la capitale victorienne, rien de bien novateur en somme. Mais, rapidement, on découvre que Londres est emplie de petites nouveautés mécaniques, de chantiers grandioses, d’automates inquiétants et de machines étranges… Cette nouvelle machinerie possède un sombre revers: nos enquêteurs doivent découvrir les raisons d’un violent crash de zeppelin. Tous attachés à leur siège, aucun passager n’a survécu…Mais le pilote, lui, semble avoir disparu de cet amas fumant…
Au départ peu présents, les indices qui placent l’œuvre dans une lignée steampunk classique se confirment au fil des pages : étranges engins à vapeurs qui parcourent les rues, aéronefs qui encombrent le ciel, industries folles, automates et mécanismes douteux… Toute cette fumée, qui s’ajoute au brouillard persistant, ne laisse pas de place au doute : ce Londres est un peu différent de celui des livres d’histoire ! La vapeur et les robots prennent de plus en plus d’importance, jusqu’à devenir l’épicentre de l’ouvrage, rotule mécanique qui apportera de nombreuses clefs, surprenantes et surtout…effrayantes.
C’est dans cette atmosphère que l’auteur nous sert quelques belles scènes de combats, sympathiques et sanglantes (l’une d’entre elles m’a franchement fait mal au dos, vous comprendrez…) qui permettent d’oublier que parfois, la solution est légèrement attendue, et que certaines clefs sont tout à fait crédibles, mais…simples.
Pour conclure donc (bien qu’il y aurait beaucoup à dire encore !) ce volume classique nous offre une intrigue bien ficelée, un très bon moment de lecture, léger et accessible, qui se déguste à la manière d’un sablé trempé dans du Earl Grey !
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