David Robert Mitchell, It Follows, février 2015
Au moment où j'entre dans le cinéma, le film de David Robert Mitchell possède déjà une grande renommée. C’est un film de festival, un film primé, encensé par la critique ! Imaginez donc, même Télérama s’est fendu de son article nous expliquant qu’il s’agit là d’un film important ! Bref, il me tardait de voir ce It Follows, que tout le monde semblait aimer. Et il faut bien l’avouer, ça commence bien, très bien même. L'histoire débute par un crime, une mort atroce comme on les aime dans les slashers. On est dans le genre, c’est une évidence, et avec ce petit quelque chose en plus : une esthétique qui tend vers le minimalisme, qui me rappelle un je ne sais quoi de Lynch, une lumière éblouissante, faite de retenue et de froideur, loin très loin de ce que le cinéma ou la TV nous proposent ces derniers temps. Donc, les quinze premières minutes on est conquis.
L’action commence dans une de ces banlieues américaines aux rues rectilignes, grandes baraques, trottoirs larges, livreurs de journaux, etc.…Etc.…Un je ne sais quoi d’Halloween : rappelez-vous les marches de Jamie Lee Curtis dans la ville d’Haddonfield. C’est ici la même chose. Mais, combien de ces maisons cachent de drames, combien de ces demeures sont le lieu de déchirements et de mal-être ? Le propre de l’horreur est d’attirer l’attention du spectateur sur les rouages abimés de notre société, de notre cellule familiale, de notre travail, bref : de jouer avec notre environnement et avec tout ce qui ne fonctionne pas avec lui. C’est ce que réussit à merveille, dans un premier temps du moins, David Robert Mitchell. Les premiers plans de son héroïne, Jay, jouée par une Maika Monroe que je ne connaissais pas et que je découvre ici (et qui m’a passablement énervé la plupart du temps), nous présentent une jeune fille qui semble ailleurs, coupée du monde, dans une piscine. Une héroïne dont on ne voit jamais le visage de la mère, une héroïne qui semble s’élever seule comme tous les ados du film. Une petite bande dans laquelle chacun semble complètement livré à lui même, sans parent, ou du moins, des parents totalement invisibles, sans visage (en effet, le réalisateur ne filme jamais la tête de ces derniers) et qui vont tout vivre par eux-mêmes, du moins quand ils décident de lever leurs fesses de devant la TV.
En posant ce décor, et je me permets là encore d’insister sur la lumière fabuleuse du film, Mitchell marche sur les plates-bandes de Wes Craven qui n’a de cesse, dans ses films, de nous interroger sur la cellule familiale et la place de la mère, entre autres. Sauf que Craven a le génie, lui, de nous tenir en haleine et de nous faire gravement peur. Je ne dis pas que le film de Mitchell n’a rien de flippant, au contraire, mais peu à peu le scénario s’installe sur un faux rythme et une grosse partie du métrage devient bavarde, tourne en rond. En effet, au cours d’une expérience sexuelle, très mal filmée au demeurant, Jay va contracter une étrange malédiction, maladie, allégorie peut-être du sida, de l’angoisse de l’amour, et elle va se trouver suivie par un étrange personnage (d’où le titre...) aux visages multiples. Idée géniale et la première apparition de la créature est absolument magnifique, voir complètement flippante. Mais la suite à mon sens se gâte, mélangeant à la fois slasher et film de zombie, jouant uniquement sur l’ambiance, le film se mue très vite en une unique expérience intellectuelle qui a eu bien du mal à capter l’attention des spectateurs. Si les apparitions du monstre sont, la plupart du temps, assez angoissantes, il faut vite leur reconnaître un petit quelque chose d’un peu trop « systématique ».
Alors attention, It Follows est loin d’être un mauvais film. C’est juste que, en restant du côté du cérébral, en voulant jouer la métaphore jusqu’au bout, le scénario est un brin long et l’histoire a du mal à se relancer. Le film d’horreur est inquiétant, mais tourne très vite en rond, voulant parfois prendre des chemins tortueux pour nous parler de choses simples. Il laisse de côté les personnages au profit d’images et d’esthétique. Ce n’est pas un film, ça devient un musée, comme le témoigne la fin, absolument superbe à tout point de vue, mais creuse sur le plan de l'écriture.
Comme je citais plus haut Wes Craven, je vais me permettre une légère comparaison que certains jugeront peut-être loin d’être heureuse. Tout au long de sa filmographie, comme Mitchell semble le faire aussi, le père de Freddy n’a eu de cesse de s’interroger sur la famille, la mère, le père et la sexualité. Deux familles s’affrontent dans La colline a des yeux, à quoi s’ajoute la question d’essais nucléaires. Dans La dernière maison sur la gauche une famille se trouve métamorphosée après le viol de sa fille et oublie morale, loi et justice. Dans Scream, Sidney paie pour sa mère, absente, sans pouvoir être aidée par son père que l’on vient même à soupçonner un moment. Et que dire de Freddy, premier du nom, qui raconte l’histoire d’ados luttant contre un crime commis par leurs parents, etc. Mais dans tous les films cités précédemment, le réalisateur capte l’attention en choquant, en nous faisant réellement peur et en jouant avec nos nerfs. La peur est au service du sujet, la peur devient un vrai moyen d’expression. Dans It Follows, on aurait pu avoir un film de ce même acabit, mais Mitchell passe totalement à côté. D’une part, le scénario dilue l’effet horrifique et l’effet de peur et d’autre part, on est dans le tout cérébral, comme si le réalisateur se refusait de filmer des meurtres, un acte sexuel, etc.. Certes, ça plait à Télérama, certes on a une idée géniale, une esthétique de folie et une musique comme j’en avais rarement entendue, mais c’est tout ! Ce n’est pas Mitchell qui fait le film, mais Mike Gioulakis (chef opérateur) et Disasterpeace (musique).
Dommage, car on a une bande d’ados intéressante, un sujet qui tient la route, mais un manque cruel dans l’écriture. Malgré tout, It Follows vaut le détour et montre que parfois des réalisateurs tentent dans le genre horrifique autre chose qu’un film pop corn ! Rien que pour ça (et le reste) je vous invite quand même à voir ce film et à essayer de le vivre comme une expérience.
By Dusty Mummy
A découvrir aussi
- The theater bizarre
- Stitches, un film de Conor McMahon (Irlandais, mai 2014 en DVD VF)
- Black Rock, un film de Katie Aselton, mai 2013 (USA) (By Dusty !)
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 21 autres membres