Au château de l’étrange, Claude Seignolle, publié chez Le Castor Astral, 2011
Vous aimez les destinations improbables et les rencontres insidieuses, alors vous avez, hélas, frappé à la bonne porte! Spectres, apparitions, présences maléfiques, envoûtements et conversations avec l'au-delà font partie de l'effrayante visite.
Ici, point de fiction ni de sensationnalisme convenu. Claude Seignolle se contente de recueillir des témoignages qu'il met en scène jusqu'au grand frisson final. "Scribe des miracles et des peurs ancestrales", il archive, recense, éclaire, sans jamais juger.
Et s'il existait "autre chose" à côté de nos certitudes? Chasseur de fantômes avant l'heure, il nous convie au cœur des mystères: lieux maudits, voyages dans le temps, prémonitions, présences invisibles, magie et sorcellerie. Oui, la peur rôde au coeur de ces pages...Voilà le lecteur prévenu!
Je fus surprise au début. La multitude de petits textes m’a rebutée, peur de l’éphémère ou crainte de ne pas avoir le temps de « tomber amoureuse » d’une histoire, de l’ouvrage. Et puis, je me suis mise à alterner avec d’autres lectures…une histoire, puis deux, puis trois et, je deviens gloutonne, une autre, une suivante, une dernière. Finalement, je me suis laissée prendre au jeu et je suis littéralement tombée dans les bras (ou devrais je dire les pages) de cette œuvre et de son ton, de ces récits et de leur mystère.
Il s’agit donc d’une succession de petits témoignages, divisés en plusieurs axes tels que « Présences invisibles ou Les ayants droit aux lieux» ou encore « Voyages dans le temps-Illuminations ou Fastueux salons aux étamines d’araignées ». Je m’arrête là, mais les titres eux-mêmes évoquent déjà l’agréable voyage que l’auteur, maître des mots, nous a préparé. La richesse et la diversité des faits rapportés ici empêchent toute répétition, toute lassitude. Il est impressionnant de voir qu’en l’espace de quelques lignes Claude Seignolle parvient presque à chaque fois à créer quelque chose, une ambiance, une portée, c’est très agréable, vraiment.
C’est d’ailleurs le style de Seignolle qui m’a le plus fascinée. Il joue avec les mots, il les libère au moment opportun ou au contraire, nous surprend par un choix insolite mais toujours bon.
Ainsi, son écriture est magique, tout comme ses histoires d’ailleurs, envoutantes. De plus, le lecteur reste seul face à la chute de chaque texte, l’auteur ne s’interpose pas, ne vient pas fausser ses lignes ou peser dans nos esprits. Non, ici nous sommes libres : libres de lire dans l’ordre ou non, libres d’y voir un conte ou un témoignage, libres d’en rire ou d’en pleurer…c’est très appréciable (enfin, je trouve).
Je ne peux pas reprendre ici tout l’ouvrage, bien trop hétéroclite dans ses nombreux récits, en revanche je peux évoquer ceux dont le souvenir me reste particulièrement fort. « Des fous ? » par exemple, page 169. Ce court texte d’un passage dans le monde de la folie est sublime, et nous laisse dans la boîte crânienne comme une envie de, pour reprendre les termes de l’auteur ; garder encore farouchement ce que les artificiels ont perdu…Voir les choses comme bon nous semble et entendre voler les oiseaux où nous le voulons…embrasser la lune et se savoir Christ…
« La belle Copte » de la page 209 est aussi un récit qui m’a marquée…putride certes, simple aussi, mais agréable. Les risques du pacte avec Shaïtan, et la double mort que cela peut engendrer, jusqu’à laisser pourrir la beauté et vivre dans ses vapeurs nauséabondes...
La première partie et sa multitude de petites histoires troublantes fut aussi un excellent moment de lecture. Parce qu’ancrées dans la vie quotidienne, elles sont à la fois concrètes et obscures, tangibles et incroyables…à lire pour comprendre !
Bref, vous l’aurez remarqué, après une découverte difficile et une certaine ingratitude de ma part, cet ouvrage m’a absorbée au cœur de sa nébuleuse bien étrange…pour notre plus grand plaisir!
A découvrir aussi
- Le destin des morts, de Jean-Pierre Favard, aux éditions Lokomodo
- Âmes de verre, Tome I; Le Sidh, Anthelme Hauchecorne, Editions Midgard, 2013
- Morts dents lames, Anthologie hommage à la violence, Collectif, aux Editions La Madolière, Décembre 2012
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