Tadjo Véronique, L’ombre d’Imana, Voyage jusqu’au bout du Rwanda, Paris, Actes Sud, 2000, 131 p.
Ce livre, c’est d’abord l’histoire d’un cadeau touchant, un petit paquet minutieusement choisi à mon intention. Le soir même, je découvre l’auteure ivoirienne Véronique Tadjo, le soir même je prends clairement et simplement une claque ! Son style ondule au fil des pages, fort, léger, toujours juste. Dans une position de retrait pudique et respectueux, elle laisse la parole aux vies, aux paysages, aux histoires qu’elle mentionne de ses mots mesurés et riches. C’est inévitable, ses autres titres ont rejoint ma liste de souhaits…
« De loin, la ville semble avoir tout oublié, tout digéré, tout ingurgité. […]
L’air est frais, la terre est tiède. […]
La lune est un demi-cercle parfait. Les étoiles retiennent leurs secrets douloureux. Rien ne traverse l’opacité.
Il faut remonter la nuit de tous les temps, revenir à la grande frayeur, l’époque où les êtres, face à leur destin, n’avaient pas découvert leur humanité. » (Kigali)
Au rythme de telles parenthèses, ce livre est avant tout un voyage. Bien sombre promenade à vrai dire, dans laquelle V. Tadjo choisit de porter « son attention sur la vie qui coule », dans un pays où « la vérité se trouve dans le regard des hommes […] sous la peau des gens ». C’est une traversée du Rwanda pour ce qu’il est, pour ce qu’il fut, pour ce qu’il reste à comprendre. Une quête crue. Les mots trahissent une passion pour ce « petit pays d’Afrique centrale » « pays aux mille collines », passion que je partage et qui me pousse peut-être aujourd’hui à vous conseiller mille fois ce livre !
L’auteur nous présente des lieux, des couleurs, des visages, des vies et des histoires. Il y a de la beauté dans ses phrases, quelque chose de retenu et de blessé. Elle s’attache parfois à un détail qui fixe le récit dans le temps, dans un réel qui le rend accessible. Parler de celui qui reste assis à côté du mémorial, pour rendre le lieu vivant. Décrire le baiser maternel des lèvres qui racontent, pour voir plus loin que le sida. Ne pas faire parler les morts, mais les laisser planer sur chaque mot pour les inviter sans les faire mentir. Ne pas juger, ne pas chercher à savoir, juste essayer d’entendre, pour raconter.
« Mais ces morts-là crient encore ». Voilà en somme ce qu’il faut retenir, ils hurlent en silence aux oreilles des vivants que l’auteur approche objectivement, et c’est finalement une magnifique façon de leur rendre hommage. Loin de tout sentimentalisme pompeux, sensible à la poussière des pistes et aux couleurs du soleil, V. Tadjo signe ici un texte que je prévois déjà de relire !
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