Les Ô troubles

Les Ô troubles

Lords of Salem, un film de Rob Zombie (Etats-Unis, 26 Avril 2013) By Dusty M. qui sort du retro!

 

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        Film que j’attendais, dont je rêvais et sur lequel je fantasmais, bref : le nouveau film de Rob Zombie. Chez Rob, rien n’est à jeter ! De sa Maison des 1000 morts et son déjanté Captain Spalding, en passant par sa vision d’Halloween (il m’aura quand même fallu plusieurs visionnages pour accepter cette représentation de Myers) tout est bon dans le Zombie ! Ma première découverte datant de ses clips barrés et magnifiques, réalisés pour son groupe non moins génial : White Zombie. Je m’attends toujours à tout de la part de ce type dont la culture « film d’horreur » n’est plus à démontrer. Et pourtant, je me sens quelque peu désœuvré, perplexe et je ne sais pas quoi penser de ses seigneurs de Salem… Sans doute me faudra-t-il à nouveau plusieurs visionnages pour pleinement posséder ce film et l’apprécier vraiment, le côté direct de ces autres métrages étant ici quasiment absent.

 

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        Oui, j’ai particulièrement aimé l’aspect visuel, j’ai adoré l’ambiance inspirée de Polansky autant que du psychédélisme des années 60’s, j’ai apprécié ses références à un certain cinéma italien (Bava bien sûr, et son Masque du démon) et évidemment, Sheri Moon, qui tient le film à elle seule. Mais, que dire de ce scénario bancal, facile, rempli de trous et un brin soporifique ? Donc, si le film charme par son atmosphère et par ses images, par sa mise en scène subtile et délicate, il pèche dans son écriture laconique et finalement, inaboutie : une animatrice radio reçoit un jour un bien étrange vinyle, sur lequel est gravé un son mystérieux. Du jour au lendemain, la voilà sujette à d’étranges phénomènes : possession, réincarnation, folie, autre chose ? Ou bien, tout ça à la fois... Zombie est absorbé par ses références, il enchaine les citations et il se perd dans un maelstrom bordélique dont il est parfois difficile de gouter toute la saveur. En fait, le sujet du métrage n’est pas le cinéma d’horreur, le divertissement, la critique sociale comme on a pu le voir dans ses précédents films, mais c’est bien de Sheri Moon dont il est question, et la femme plus généralement. Zombie crée une bande personnelle, un film d’auteur.

 

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        Ici donc, nous sommes en présence d’un personnage ; Heidi, jouée par Sheri Moon Zombie, et un réalisateur qui est aussi son mari. Ils s’en vont dès lors nous livrer un terrible tête-à-tête dont on se sent bien trop souvent exclus. Le mari filme sa femme, ses errances, ses questions et on le sent très vite dépassé par ce qui se passe devant la caméra. Et c’est là d’ailleurs que tient le film, qualités et défauts compris. On trouvera dans le métrage un double de Rob Zombie, qui lui ressemble physiquement, un ami de l’héroïne qui tentera de la sauver. Une histoire d’amour qui n’en est pas une, une histoire périphérique, qui montre combien Rob Zombie n’arrive pas à comprendre, à saisir ce qui se passe, les changements qui s’opèrent en sa femme et dans la vie de cette dernière. Film profondément triste s’il en est puisqu’au final, ce long métrage parle d’incompréhension et de solitude. Heidi est une fille de la nuit, seule avec son chien, une fille qui tente de se débarrasser d’addictions, qui ne peut sauver les autres, qui ne peut se sauver. C’est une femme qui marche au milieu des tombes, qui dort seule, la lumière allumée, qui essaie de reconstruire quelque chose dans un appartement petit et étroit, qui vit entouré de démons, ceux du passé, de son passé. Et ici la mise en scène se fait subtile et tente de rattraper le laborieux scénario. Les plans de cette femme en train de dormir, nue et candide, avec ce poster du voyage dans la lune de Méliès, cette femme qui marche dans la rue un peu ailleurs, c’est l’inaccessible [ATTENTION début de spoile] c’est aussi celle qui n’est déjà plus de ce monde et qui l’abandonnera de toute façon à la fin du métrage [FIN de spoile].

 

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        Ainsi, on comprend que le film de Rob Zombie est bien plus subtil que ce qui n’y parait aux premiers abords. C’est ce qui fait sa force et aussi sa faiblesse. Comme si le réalisateur filmait quelque chose qui était trop grand pour lui. C’est aussi toute la puissance de ce Lords of Salem. Derrière ces séquences millimétrées, « clippesques », ces travellings, ces scènes de sorcelleries où les flammes dévorent le premier plan (tout un symbole !) Rob Zombie s’attaque à quelque chose de personnel, il essaie, et c’est attachant, de filmer ce quelque chose, cet inaccessible. Il est comme un amant balbutiant au premier rendez-vous. Il essaie de filmer sa femme, qui mène la dance, et il nous livre un film très, trop sans doute, personnel. Peut-être est-ce là tout le problème du métrage. Car, encore une fois, on est sans aucun doute dans une œuvre hermétique et aussi un brin bancale.

 

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        On est face à un ovni, un objet un peu à part dans le cinéma d’horreur et un objet complètement à part dans le cinéma de Rob Zombie. C’est sans doute ce qui fait son charme et sans doute aussi ce qui fait qu’il est vivement critiqué, descendu, sur le Net ou ailleurs. C’est aussi un objet froid et déstabilisant, comme le Répulsion de Polanski. Il essaie de se rattacher à ses références, au réel qui perd peu à peu de son poids dans le film, à l’Histoire pour chercher à atteindre « quelque chose », sans y arriver. Et toute la question est là ; que cherche à atteindre Zombie ? Qui cherche t il à atteindre ? Dès lors, il y a un problème parce qu’à aucun moment il ne nous le dit, à aucun moment nous ne ressentons un sentiment d’accomplissement. Le film n’est pas fini car Lords of Salem ne peut pas être fini. Deux solutions : soit, il faut faire taire la raison et le regarder sans aucun filtre, ce qui demande au spectateur un effort énorme, voire impossible. Soit il faut reconnaître que le film de Zombie est un film expérimental, qui n’est pas achevé et qui, si la mise en scène et l’image restent magnifiques (tant par leur utilisation du symbole que par leur sobriété), reste totalement inachevé et sans aucune conclusion ni intérêt. J’ai du mal à le croire car un film qui bouscule n’est jamais mauvais…

 

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        Reste que dans le titre, dans le film, il y a Salem et qui dit Salem, dit sorcellerie. Du procès de Salem, bien sûr il en est question, bien sûr il y a sorcellerie, possession et tout le toutim. On a des scènes de bucher admirablement filmées, une bande-son qui accompagne le tout parfaitement géniale et évidemment accompagné de tout le folklore qui va avec. La sorcière, comme la si bien dit en d’autres temps, en d’autres lieux, Michelet, « c’est une question de fétichisme ». C’est cela que va devenir Heidi dans le film. L’actrice va devenir un fétiche, une icône, une sorte de « piéta » maléfique, l’objet du désir, celui du réalisateur peut-être. Lords of Salem, c’est sans doute aussi cela : une grande déclaration d’amour, de toute beauté, l’histoire d’un ensorcelé : le réalisateur lui-même. Et si d’ailleurs c’était Rob Zombie lui-même qui se filmait.

 

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        Bref, vous l’aurez aisément compris, Lords of Salem n’est pas un produit « pop corn pré mâché », il n’a rien d’un film d’horreur banal. Il est expérimental et donc un brin hermétique, il est personnel et donc un brin narcissique, il s‘attache aux symboles et donc, un brin complexe. Il ne lui faut pas un visionnage, il lui en faut plusieurs, on ne le consomme pas en une fois et à l’heure ou je m’apprête à conclure cette chronique, je n’ai qu’une envie : replonger dedans ! On a la sensation d’être passé à côté de beaucoup de choses, on a le sentiment de ne pas avoir tout compris et donc, franchement, on est parfois un peu largué. Il me serait là impossible de vous dire si j’ai aimé ou pas Lords of salem. Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que je vais replonger dans l’univers de Zombie qui arrive à produire des film en marge du système, en marge des grands studios, des bandes certes mal aisées, voire complexes comme celle-ci, mais qui ont au moins l’avantage de tirer le cinéma fantastique et horrifique vers le haut ! 

 

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06/12/2013
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