Le dernier jardin, Lionel Bénard, Éditions Midgard, 2012
Bretagne, 2005.
Soldat blessé par la guerre et la violence, Michel Guévenin apprend que sa femme et son fils ont disparu dans d’étranges circonstances. Commence alors une quête pour l’homme, ainsi que l’enfant qu’il fut des années plus tôt. Celle-ci le conduira dans les bois où la sorcellerie régna durant des siècles. Michel parviendra-t-il à retrouver les siens ? Quelle est cette étrange silhouette qui rôde la nuit ?
La toute première impression, une fois la dernière page tournée : Une histoire simple et plutôt belle, envoutante. Ici il n’est pas question de rompre avec la tradition des ouvrages évoquant la Bretagne magique. Il y a l’eau et le bois, l’occultisme et les êtres qui l’habitent. En même temps, quelque chose de bien plus sombre se trame dans cette nature presque féérique et ensorcelée. En effet il y a clairement un fond de polar, un suspense qui n’est pas lié uniquement aux forces de la magie, mais aussi à une disparition, à plusieurs même. La forêt, l’étang, les ruines de la vieille église et la brume créent une ambiance vraiment variable, du thriller au conte…Et puis bien sûr il y a ce jardin, ce lieu de tout, ce lieu où apparaissent et disparaissent les ombres du passé, ce lieu où la violence pénètre la beauté de la nature…Bien plus qu’une atmosphère anxiogène, nous avons ici à faire à une ambiance mystérieuse et parfois sanglante… des enfants ont disparu, des animaux sont présentés éventrés, une mise en scène macabre s’impose comme une signature.
Ce qui est important c’est que, lors de ma lecture, j’ai parfois eu peur ne pas être surprise par le dénouement que j’imaginais trop gentillet pour me séduire…Grave erreur…Vous ne devinerez sans doute pas la fin avant d’y arriver vous-même ! (Ce que je trouve d’ailleurs important, voire primordial, dans ce type d’ouvrage !)
Le style de la narration est plutôt plaisant, fluide et clair. Simple en somme. Il y a un double récit pendant une majeure partie de l’histoire : un chapitre dans le présent, un chapitre dans un passé trouble et plutôt violent. Les deux s’imbriquent peu à peu, mais je vous laisse découvrir…Ce procédé tend à devenir banal dans de nombreux ouvrages, ici il est plutôt bien utilisé, agréable et compréhensible. Là où d’autres nous perdraient trop longtemps, Lionel Bénard (breton lui-même je précise) nous guide assez promptement pour ne pas nous lasser, ne pas nous perdre.
Le ton du livre est vivant ; les accents sont illustrés par les mots, certaines scènes sont saccadées par la syntaxe, le verbe jeté comme les pensées d’un homme blessé, suffocant et affolé.
Les personnages ne sont qu’assez sobrement creusés (ce n’est que mon avis). L’auteur semble étoffer davantage les aspects de leur personnalité qui servent le récit. Après tout, nous n’avons pas besoin du curriculum vitae complet pour apprécier un protagoniste. Cependant pour ce qui est du personnage de Milly…ma curiosité en appelait un peu plus.
Les religions, les cultes et les savoirs disparus ont certes leur place entre ces pages, mais aussi la folie des hommes dans ce qu’elle a de plus sanglant, de plus meurtrier. N’oublions pas que le protagoniste est un ancien soldat, ce qui permet à l’auteur d’ouvrir son sujet sur un ailleurs bien différent des forêts bretonnes. Lionel Bénard fait souvent le choix d’évoquer le Rwanda et par là, un conflit à propos duquel j’ai eu à travailler. La mort donnée, la mort reçue, la disparition d’un enfant, d’une épouse, d’une famille…parvenir à placer ce sujet (que je retrouve d’ailleurs actuellement dans un ouvrage d’Urban fantasy !) dans un tel récit n’est qu’une illustration des variantes que nous offre ici l’écrivain.
Un aspect négatif peut-être, ben oui faut bien…Je dirais donc, mais ce n’est ici que pur goût personnel à ne surtout pas monter en postulat : un côté gentil dans le récit, un aspect classique, une simplicité. Ce n’est pas absolument désagréable, mais c’est parfois un peu trop doux pour moi…
Pour conclure, il est indéniable que ce premier roman de Lionel Bénard offre au lecteur un très agréable moment entre savoirs perdus, folie meurtrière et quête de l’innocence. Je le conseille donc sans retenue !
A découvrir aussi
- L’enfant des cimetières, Sire Cédric, chez Le Près aux Clercs, 2009
- La chambre des morts, Franck Thilliez, Editions France Loisirs, 2012
- Le dahlia noir (V.O. : The black Dahlia), 1987, James Ellroy (by Dusty M.)
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