La Maison Ogre, d’Arnaud Prieur, aux Éditions du Riez, 2014
« Comme me l’avait dit Yannick, la nuit ne m’avait pas porté conseil. Tout au plus, elle avait failli me rendre dingue.
Dans mon cauchemar, le croquemitaine sans visage se rapprochait du manège et un enfant disparaissait à chacun de ses pas. Dès qu’un des chevaux de bois achevait un tour, un gosse se volatilisait, une lumière s’éteignait, des parents s’estompaient. Il ne restait plus que moi, perdu dans ma propre lueur et mes larmes brouillaient la figure du croquemitaine… » (4e de couverture)
Et voilà, ça fait un certain temps maintenant que j’ai terminé ce palpitant récit, et je suis ravie de pouvoir enfin vous donner mon humble avis ! Ce thriller trône royalement au cœur de la Collection Sentiers Obscurs de l’éditeur, collection qui ne m’a jamais déçue, soit dit en passant.
Tout d’abord, je dois l’avouer, ce livre a occupé la plus mauvaise place dans mon ordre de lecture : je venais en effet de terminer un superbe ouvrage (dont j’espère pouvoir bientôt vous parler) et la barre était donc haute. Ainsi, c’est tout naturellement que j’ai entamé les premières pages l’esprit prêt à frapper. Mais il me faut l’admettre, l’auteur m’a vite fait remballer ma morgue !
Les premières pages vous implantent directement le suspense dans l’esprit. Les évènements déclencheurs vous interdisent de rouler au pas ou de marquer le moindre stop. En tout cas, en ce qui me concerne, j’ai tracé de chapitre en chapitre parce que non, je n’arrivais pas à deviner cette fin qui m’a tenue en haleine de la première à la dernière page ! Voilà pour un avis général.
Un peu de détail ?
En premier lieu, je tiens à souligner le style de l’auteur qui a le mérite d’être simple, fluide et accessible même après une lourde journée de boulot, tout en restant beau et agréable. Ainsi défileront « des tilleuls à l’air galeux et des buissons à bout de souffle » (p.376) sous un ciel qui « se résumait à un gigantesque cocard » (p.406) pour ne citer que deux exemples.
L’expression est telle que le malaise du protagoniste traverse le livre et vous chope le ventre. Sincèrement, j’ai réussi à ressentir l’ambiance anxiogène, à me croire lâchée dans cette Maison Ogre terrifiante et oppressante. J’ai entendu les pas et ressenti la violence des images parce que l’auteur devient réalisateur, parce qu’il crée un décor perceptible, lisible, parce qu’il nous jette aux yeux des images qu’on ne pourrait créer sans ses mots. Bref, je ne veux pas dévoiler certains moments clefs, mais cette Maison est un cristal de pure peur parfaitement taillé!
La narration nous place dans différentes situations, passant de l’esprit même des personnages, au récit plus distancé du narrateur. Par ce biais, on plonge la tête dans l’eau et on la ressort pour mieux constater l’ampleur des évènements.
Outre le style de l’auteur, le choix des faits est particulièrement intéressant. Dans ces pages se mêlent habilement phénomènes vérifiables, légendes urbaines et fantastique. Je ne veux rien spoiler donc je resterai brève sur ces trois éléments, mais ils se complètent et s’accouplent parfaitement pour servir un univers noir, oppressant et fascinant. Les peurs de l’enfance remontent à travers ces trois genres, la peur de l’abandon, de la douleur, de la perte… La liste pourrait s’agrandir, mais je crois que ce n’est pas nécessaire, vous avez compris. Les orphelins hantent les pages, petits fantômes que rien n’épargne, petits êtres qui, au détour d’un chemin, sous la lumière de la Lune, peuvent se révéler bien plus effrayants que leur triste existence.
Les personnages principaux sont crédibles, l’auteur parvient à nous les présenter sans donner l’impression de remplir une fiche de signalements lambda. J’avoue qu’au début, le nombre des situations que l’on suit en différents lieux peut déstabiliser, mais rapidement, l’enchaînement des évènements nous démontre sa nécessité. Éric et Nora ont une logique qu’on parvient à saisir, ni super héros, ni tout à fait conformes aux normes habituelles, ils sont parfaitement cohérents. Quant aux Krikor, que dire, ils sont parfaits dans leur rôle, et parfaitement bien mis en valeur. Si je peux me permettre, un autre personnage mérite de paraître ici, Objov, pas vraiment essentiel à l’histoire, il en reste l’élément distrayant, voire cocasse, le genre de type qui vous vide une soirée, mais vous rassure sur le chemin du retour !
Bon, il faut conclure, mais je pense que vous avez compris : j’ai plutôt apprécié ce thriller qui manie aussi bien les peurs enfantines que l'effroi de ce que nous sommes devenus.
https://www.youtube.com/watch?v=2r4S4h7ZQd4
A découvrir aussi
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- L’abîme, Charles Dickens & Wilkie Collins, 1867 (Éditions du Masque, 2010)
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